Audrey Chippaux est la créatrice du compte Instagram @vosstarsenrealite, lancé en 2019. À travers cette plateforme, elle s’engage à informer et accompagner les utilisateurs des réseaux sociaux pour mieux se protéger, en dénonçant les dérives et arnaques liées au monde de l’influence. Son travail met en lumière des pratiques telles que le dropshipping frauduleux, la contrefaçon..Bref les arnaques autour de l’influence.
En janvier 2025, Audrey Chippaux publie « Derrière le filtre : Enquête sur le système de l’influence », un ouvrage qui approfondit son analyse des mécanismes d’influence et des abus présents sur les réseaux sociaux. Ce livre vise à sensibiliser le public aux dangers potentiels de certaines pratiques en ligne et à promouvoir une influence plus responsable et encadrée.
Son engagement et son expertise lui ont permis de fédérer une communauté de plus de 140 000 abonnés sur Instagram, et d’être reconnue comme une voix influente dans la lutte contre les dérives du marketing d’influence.
Présentation
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis Audrey CHIPPAUX, créatrice du compte Instagram@vosstarsenrealite et autrice du livre« derrière le filtre » (edition LeDuc). J’alerte sur les dangers de l’influence depuis mon arrivée sur les réseaux en 2019.
1/ Ton travail consiste à dénoncer les pratiques douteuses des influenceurs. À quel moment as-tu décidé de créer Vos Stars en Réalité, et pourquoi ?
En 2019, je fais une pause professionnelle. C’est durant cette période que, sur recommandation, je découvre Instagramet Snapchat, ainsi que leurs dérives en matière de publicité. J’ai alors décidé de partager mes observations sur ces problématiques afin d’informer les internautes. Mon objectif était, a minima, d’éveiller leur vigilance et, au mieux, de leur éviter de se faire escroquer.
2/ Certaines de tes enquêtes ont révélé des arnaques d’ampleur. Y a-t-il une affaire qui t’a particulièrement marquée, soit par son impact, soit par les réactions qu’elle a suscitées ?
Toutes les publicités liées aux pratiques illégales en médecine ou à la vente de produits mettant en danger la santé des internautes m’ont particulièrement marquée. À l’époque, lorsque je dénonçais les injectrices illégales en expliquant que les injections d’acide hyaluronique ou de Botox ne pouvaient être pratiquées qu’en cabinet médical par des médecins ou, dans certains cas, par des chirurgiens-dentistes, je recevais de nombreux commentaires insultants. Certains internautes, persuadés que ces injections pouvaient être réalisées sans être médecin, refusaient d’entendre la réalité des risques encourus.
3/ Tu reçois parfois des menaces ou des pressions suite à tes révélations. Comment fais-tu face à cette adversité ?
Je suis passée plusieurs fois dans les stories d’influenceurs, certains allant jusqu’à divulguer ma localisation. J’ai reçu des menaces, y compris des menaces de mort. J’ai également été la cible de rumeurs et, avec elles, de cyberharcèlement.
4/ Les influenceurs ont-ils, selon toi, une responsabilité morale dans les produits ou services qu’ils promeuvent, ou est-ce uniquement aux consommateurs de se méfier ?
Les influenceurs sont responsables de ce qu’ils publient sur leurs réseaux et des propos qu’ils y tiennent, qu’ils soient ou non sous agence. Les agences, elles aussi, ont une part de responsabilité lorsqu’elles valident un produit qui ne devrait pas l’être ou un brief trompeur.
Les consommateurs, quant à eux, sont profanes. Ils ne peuvent pas être tenus responsables du fait de se faire avoir.

5/ Certaines marques semblent complices de ces dérives. Est-ce un problème de manque de réglementation ou une simple question d’éthique personnelle des influenceurs ?
Les marques savent ce qu’elles vendent. Elles sont également responsables de leurs produits et des briefs qu’elles transmettent aux influenceurs.
Ainsi, elles ne peuvent pas se dédouaner en rejetant toute la faute sur les créateurs de contenu. Lorsqu’une marque collabore avec un influenceur, elle doit s’assurer que la promotion respecte les réglementations en vigueur, que le produit est conforme et que la communication ne trompe pas les consommateurs.
De plus, certaines marques profitent sciemment du flou juridique ou du manque de vigilance des influenceurs pour promouvoir des produits controversés, dangereux ou inefficaces. Cette responsabilité partagée entre marques, agences et influenceurs souligne la nécessité d’un encadrement plus strict et d’une sensibilisation accrue du public aux pratiques du marketing d’influence.

6/ Tu as récemment sorti un livre dans lequel tu expliques différents mécanismes de manipulation et de tromperie. Quelles sont, selon toi, les clés pour que les internautes apprennent à repérer les arnaques et les stratégies trompeuses utilisées par certains influenceurs ?
La première chose dont il faut se méfier, c’est la relation parasociale. Il s’agit d’une relation à sens unique que l’internaute développe avec un influenceur ou une personnalité des réseaux sociaux. Cette relation influence sa capacité à analyser de manière objective les informations qu’il reçoit de l’influenceur, que ce soit dans le cadre d’une promotion de produit ou d’un partage d’opinion.
⚠️ Méfiance dans la vente de produits
Lorsqu’un influenceur vante les mérites d’un produit, il est important de rester vigilant face aux discours trop beaux pour être vrais. Quelques signaux d’alerte à surveiller :
- Les codes promo à répétition 📢
- Les « roues de la chance » ou offres trop alléchantes 🎡💸
- Les produits « offerts » sous conditions 🎁
Une astuce utile consiste à effectuer une recherche d’image inversée sur Google pour vérifier si le produit est vendu ailleurs et à quel prix. Cela permet d’identifier d’éventuelles arnaques ou pratiques de dropshipping abusives.
🚩 Gagner de l’argent sans travailler ? Danger !
Un gros red flag doit s’allumer dès qu’un influenceur garantit un enrichissement facile, en particulier lorsqu’il s’agit d’investissements financiers. Cela inclut :
- Les cryptomonnaies 🪙
- Le trading à haut risque 📉📈
- Les prop firms (firmes de trading en compte propre) 💼
- Les NFT et autres schémas d’investissement douteux 🎨
🧠 Développer son esprit critique
Pour se protéger des manipulations et mieux comprendre ces mécanismes, il est essentiel de cultiver son esprit critique. D’ailleurs, pour ceux qui souhaitent approfondir le sujet, le REC de Toulouse propose des conférences sur ces thématiques les 12 et 13 avril 2025 !
7/ Avec la montée des intelligences artificielles et des deepfakes, penses-tu que les dérives de l’influence en ligne vont empirer ?
L’IA est effrayante : on voit aujourd’hui des affaires éclater, avec des victimes perdant des centaines de milliers d’euros simplement parce qu’elles ont cru vivre une histoire d’amour avec Brad Pitt ou Florent Pagny… tout cela à cause de l’IA.
Les dérives de l’influence ne peuvent que s’amplifier, et nous ne sommes pas encore prêts à y faire face.
8/ Les influenceurs frauduleux ont souvent des communautés très engagées, qui peuvent réagir violemment à la critique. As-tu déjà été confrontée à des campagnes de harcèlement ?
Oui, j’ai subi une campagne de cyberharcèlement qui a duré deux ans. Le mécanisme est toujours le même : interprétations biaisées ou création de rumeurs, formation de groupes agissant en meute, menaces, intimidations publiques ou privées, et parfois même un passage du virtuel au réel.
Les responsables de ces campagnes sont ceux qui créent les rumeurs ou désinforment sciemment. Ce sujet a été très formateur pour moi, et d’ailleurs, deux projets en lien avec cette thématique verront le jour en 2025.

9/ Que penses-tu du rôle des plateformes (Instagram, TikTok, YouTube, X, snapchat) dans la diffusion de ces pratiques ? Devraient-elles être plus strictes dans leur modération ?
Les plateformes sont clairement responsables. Elles doivent assumer leurs responsabilités ou être fermement condamnées.
En tant qu’acteurs majeurs de la diffusion de contenu, elles ont le devoir de protéger leurs utilisateurs des dérives et des abus. Il est crucial qu’elles mettent en place des mesures strictes de contrôle et de modération pour éviter que des campagnes de désinformation, de harcèlement ou d’escroquerie ne prospèrent. Leur rôle ne doit pas se limiter à laisser passer tout contenu sans surveillance, sous prétexte de « liberté d’expression ». Une régulation plus stricte est nécessaire pour garantir un environnement en ligne sain et sûr.
Si elles ne prennent pas ces responsabilités au sérieux, des actions juridiques et législatives devront être engagées pour les contraindre à agir.
10/ Enfin, as-tu un message pour ceux qui te suivent et soutiennent ton travail, mais aussi pour ceux qui hésitent encore à remettre en question les influenceurs qu’ils admirent ?
Méfiez-vous de la relation parasociale (faites le test du gradient que nous avons créé avec Antonin Atger et qui figure dans mon livre). Par défaut, soyez prudents avec votre influenceur et ses recommandations. Ne croyez rien de ce que vous voyez sur les réseaux sociaux, et le mieux : déconnectez-vous !
11/ Comment penses-tu que l’esprit critique doit être transmis, notamment aux plus jeunes et aux publics les plus vulnérables ?
Pour les plus jeunes, cela doit passer par l’enseignement scolaire, avec l’intervention d’associations agréées ou de professeurs formés.
De mon point de vue, cet enseignement doit être pris en charge financièrement par l’État. Il en va de notre sécurité et de notre bien-être.
Merci à Audreyd’avoir accepté de répondre à nos questions.
Propos recueillis par Mathieu, rédacteur en chef de Pensée Magique.
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