Dossier Harcèlement, Yogina et Antoine Daoust

Comprendre et surmonter le harcèlement.
Le harcèlement, un mot que l’on entend de plus en plus. Démocratisé, voire banalisé par les réseaux sociaux, il est désormais un terme courant, faisant partie de notre quotidien.

Mais comment se caractérise-t-il ?

Pour commencer, voici la définition stricte :
Le harcèlement est un comportement répétitif qui consiste en des paroles ou des
agissements hostiles, offensants ou non désirés, visant à nuire à la dignité, à la
santé psychologique ou physique d’une personne. Il peut prendre diverses formes,
telles que le harcèlement moral, sexuel, scolaire, téléphonique ou en ligne. Il est
souvent caractérisé par sa répétition, mais un acte grave isolé peut également être
considéré comme du harcèlement s’il a des conséquences néfastes continues sur la
personne visée
.

Enchainons maintenant sur la définition juridique :

Yannis Vassiliadis, ATER en Droit et vidéaste de la chaine Youtube Paix, Amour & Droit Fiscal :

Le harcèlement en ligne, c’est quoi ? C’est l’ensemble de propos ou de comportements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de vie, se traduisant par une altération de la santé physique ou mentale.

Lorsqu’il est exercé en ligne (ou qu’il répond à certaines conditions précisées dans le Code pénal, mais qui ne concernent pas la présente affaire), il est passible de deux ans de prison et 30 000 € d’amende. (Article 222-33-2-2 du Code pénal).

La diffamation, c’est quoi ? C’est le fait d’imputer ou d’alléguer un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne.

Lorsqu’elle est publique, la loi prévoit une peine de 12 000 € d’amende, pouvant être plus élevée dans certaines circonstances, notamment si la diffamation vise un élu, un parlementaire, un policier, un magistrat ou encore s’il s’agit d’une diffamation à caractère racial, ethnique, religieux, sexiste ou liée à l’orientation sexuelle, etc. (Article 29 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse).

Dans les deux cas, des dommages et intérêts peuvent être accordés à la victime ou aux victimes en réparation du préjudice subi.

222-33-2-2 du code pénal : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000049312743#:~:text=Le%20fait%20de%20harceler%20une,causé%20une%20incapacité%20totale%20de
Loi de 1881 : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGISCTA000006117637

L’autre aspect douloureux est de priver les personnes harcelées de leur statut de victimes. Rapidement, le harceleur leur retire ce droit.

Par des manipulations, des inversions des rôles ou des discours culpabilisants, il les
pousse à croire qu’elles exagèrent, qu’elles sont responsables de ce qui leur arrive,
voire qu’elles méritent ce traitement. Cette stratégie s’appelle le gaslighting : une
forme de manipulation psychologique qui vise à semer le doute dans l’esprit de la victime jusqu’à lui faire remettre en question sa propre perception de la réalité.
Progressivement, la personne harcelée peut en venir à se sentir illégitime dans sa souffrance.
Elle entend des phrases comme « Tu l’as cherché », « Si tu réagis comme ça, c’est que tu es trop fragile », « Moi aussi on m’a taquiné, et je ne me plains pas », « arrête de pleurer ». Ce mécanisme d’invalidation est d’autant plus violent qu’il peut venir de l’entourage : amis, collègues, famille, ou même des institutions censées la protéger.
Et lorsque la victime tente de dénoncer ce qu’elle subit, elle se heurte souvent à un
mur d’incompréhension ou, pire, à un retournement de la situation.

Mais…

Insidieusement, s’installe chez la victime une hypervigilance, un état constant de
veille où chaque parole, chaque geste, chaque regard est interprété comme une
menace potentielle. La personne harcelée commence à anticiper le pire, à redouter
chaque interaction, à se demander si ce qu’elle va dire ou faire ne sera pas mal
interprété ou utilisé contre elle. Cette hypervigilance devient un mécanisme de
défense
, une façon de se protéger de l’inattendu et de la violence psychologique,
mais elle finit par épuiser la victime, la rendant de plus en plus fragile, anxieuse et
paranoïaque.


Lorsque l’on échange avec des personnes ayant subi du harcèlement, on remarque rapidement plusieurs points communs :
L’isolement progressif, la peur constante, la perte de confiance en soi et l’incompréhension de l’entourage sont autant de conséquences souvent évoquées.
Nombreuses sont les victimes qui minimisent d’abord ce qu’elles vivent, avant de réaliser l’ampleur des dégâts psychologiques causés. Et toutes ces personnes harcelées racontent la même chose sur les débuts du harcèlement : elles ne l’ont pas pris au sérieux immédiatement, elles ont été surprises par la personnalité monomaniaque des harceleurs, ou encore horrifiées par l’escalade progressive de la violence.
Car un harcèlement commence souvent par des mots, mais évolue rapidement vers
des actes de plus en plus graves.
Dans de nombreux cas, tout débute par des remarques anodines, des blagues
douteuses ou des critiques déguisées. Au départ, la victime n’y prête pas toujours
attention, pensant à un malentendu ou à une maladresse. Puis, petit à petit, ces
comportements deviennent plus fréquents, plus insistants, jusqu’à créer un climat
oppressant.


Les harceleurs, qu’ils agissent seuls ou en groupe, suivent souvent le même schéma.
Tester les limites, voir jusqu’où ils peuvent aller sans être arrêtés -puis intensifier leur
emprise au fil du temps. Ce processus d’escalade peut prendre des semaines, des
mois, voire des années. Ce qui commence par des mots peut se transformer en
intimidation, en humiliation publique, en harcèlement numérique ou en d’atteinte
physiques.

Une autre constante frappante dans les témoignages est la difficulté pour les
victimes d’être entendues et reconnues. Beaucoup minimisent ce qu’elles subissent, par
peur d’être qualifiés de « trop sensibles » ou parce qu’elles pensent pouvoir gérer la
situation seules. D’autres, lorsqu’elles cherchent du soutien, se heurtent à
l’indifférence, au doute ou à la banalisation du problème. « C’est juste une blague »,
« ignore-les, ça passera », « tu exagères »
sont autant de phrases qui reviennent et qui
renforcent le sentiment d’impuissance des personnes visées.

Au fil du temps, cette vigilance excessive s’étend à tous les aspects de la vie
quotidienne : le travail, les relations sociales, même les activités les plus banales
deviennent des terrains de stress et d’anxiété. Les petites erreurs deviennent des
preuves accablantes de sa « faillibilité », les remarques anodines sont perçues comme
des attaques, et la victime se retrouve dans un état constant d’alerte. Ce cercle
vicieux est souvent renforcé par les réactions de l’entourage, qui peut ignorer ou
minimiser les signes de souffrance, ce qui renforce l’isolement et la perte de
confiance en soi.
Ce phénomène peut avoir des effets dévastateurs sur la santé mentale.
Lhypervigilance épuise, affaiblit le système nerveux et peut engendrer à des troubles du
sommeil, des troubles alimentaires, voire des dépressions graves. La victime se
retrouve dans un état de lutte constant, toujours sur la défensive, prête à réagir à la
moindre menace, mais trop épuisée pour se défendre efficacement.
L’une des premières étapes pour sortir de cette spirale est de reconnaître et
accepter l’impact psychologique du harcèlement. Il est essentiel de comprendre que
cette réaction n’est pas une faiblesse, mais une réponse normale à une situation
anormale. Il est également crucial d’offrir aux victimes un espace où elles peuvent
s’exprimer librement, sans jugement, et commencer à reconstruire leur confiance en
elles et en leur entourage.

Mais comment briser cet enfermement psychologique ? Quelles stratégies
permettent de se protéger et de rétablir la vérité face aux techniques de
manipulation du harceleur ? Nous allons explorer ces questions dans la suite de ce dossier, en mettant notamment en lumière le harcèlement subi par Yogina et Antoine Daoust.

Yogina et Antoine Daoust, harcelés depuis plus de deux ans.

Depuis plus de deux ans, Antoine Daoust et Yogina sont victimes de harcèlement en ligne incessant. Leur présence active sur les réseaux sociaux les a exposés à des campagnes de diffamation, des menaces et des intimidations visant à ternir leur réputation et à perturber leur vie quotidienne. Leur expérience met en évidence les dangers du cyberharcèlement et les impacts dévastateurs qu’il peut avoir sur les individus. À travers leur lutte, ils soulignent l’urgence de renforcer les protections contre ces formes de violence numérique.

Le but de cette interview n’est pas de dénoncer des individus.
Ni de détailler minutieusement le déroulement des faits. Pour cela, si vous voulez en savoir plus, il y a déjà l’interview réalisée sur la chaîne La Tronche en Biais.

Notre objectif ici est d’analyser les dynamiques mises en place lors de ces épisodes de harcèlement, ainsi que leurs impacts sur votre santé, votre vie sociale et votre parcours professionnel. Nous voulons comprendre comment ces événements ont affecté votre quotidien, vos relations et la perception que vous avez de vous-mêmes et du monde qui vous entoure.

À travers votre témoignage, nous espérons également apporter des clés de compréhension pour mieux identifier ces mécanismes et, peut-être, aider d’autres victimes à se reconstruire.


Antoine = A
Yogina = Y

1/ Avant d’aborder les conséquences, pouvez-vous nous expliquer comment tout a commencé ?

A : Mon harcèlement a commencé au moment où mon ex-conjointe s’est exprimée sur
une chaîne YouTube tenue par un désinformateur notoire à très forte audience. Ce
harcèlement a connu des pics d’intensité au fil des interventions des acteurs de la
désinformation réagissant aux propos de mon ex-conjointe.


Y : Mon harcèlement a débuté six mois avant celui d’Antoine. Son ex-compagne a
commencé à me harceler sur X (anciennement Twitter), m’envoyant des menaces de
mort par messages privés et surveillant toutes mes interactions sur les réseaux
sociaux. À l’époque, j’écrivais pour Fact & Furious, et elle m’insultait régulièrement
dans les commentaires. Puis, la complosphère s’est acharnée sur moi dès qu’elle a
décidé de dévoiler mon adresse postale.


2/ Avez-vous tout de suite identifié cela comme du harcèlement ou est-ce quelque
chose qui s’est imposé à vous avec le temps ?

A : J’ai tout de suite compris qu’il s’agissait de harcèlement. Quand les complotistes
ont une proie dans leur viseur, ils ne la lâchent pas. Chaque publication, chaque
commentaire devient un prétexte pour attiser la haine, amplifier les attaques et inciter
d’autres personnes à s’acharner
. C’est un engrenage implacable, où l’on devient
malgré soi la cible d’une machine à broyer.


Y : Dès que nos données personnelles et notre adresse postale se sont retrouvées sur
les réseaux sociaux, j’ai compris que nous allions subir une vague de harcèlement
intense. Voir son intimité exposée ainsi, sans contrôle, génère une peur viscérale. On
s’attend à tout : insultes, menaces, tentatives d’intrusion… Et ce n’est pas seulement
virtuel. On guette chaque bruit suspect, on hésite à ouvrir la porte, on change ses
habitudes, on se méfie du moindre inconnu. Le harcèlement ne se limite pas à
quelques messages malveillants, il s’infiltre dans chaque aspect de votre vie.


3/ À quel moment avez-vous pris conscience que la situation devenait problématique, dépassant un simple conflit ou désaccord ?

A : Quand des éléments de ma vie privée se sont retrouvés exposés sur la place
publique, une seule question me hantait : jusqu’où vont-ils aller ? J’avais l’impression
de perdre tout contrôle, de devenir un simple objet de curiosité malsaine pour des
inconnus. Puis, ils ont franchi une limite encore plus intolérable : ils ont publié le profil
Twitter de ma mère.
À cet instant, j’ai compris que leur objectif n’était pas seulement
de me nuire, mais aussi d’atteindre mes proches, de les mêler malgré eux à cette
spirale infernale.


Y : Le jour où mon état civil, accompagné de la profession de mes parents, s’est
retrouvé exposé sur un blog conspirationniste, un frisson glacé m’a parcouru. Je me
suis demandé jusqu’où cela pouvait aller. Ce n’était plus seulement moi qu’ils visaient,
c’était ma famille, mon entourage. Ce genre de divulgation, en apparence anodine pour
ceux qui la relayent, est en réalité une menace à peine voilée. On réalise alors que le
harcèlement ne se limite pas aux insultes ou aux menaces directes : il s’immisce dans
chaque aspect de votre vie, vous privant peu à peu de tout sentiment de sécurité.


4/ Quelles stratégies ont été mises en place par les harceleurs ? Était-ce un harcèlement direct ou plus insidieux (insinuations, rumeurs, menaces voilées, etc.) ?

A & Y : Ils ont d’abord utilisé des affirmations humiliantes, répétées ad nauseam,
jusqu’à ce qu’elles s’ancrent dans l’esprit de leur audience comme une vérité
indiscutable. Ils ont orchestré de véritables campagnes de teasing, distillant des
insinuations et des promesses de « révélations » pour entretenir l’attente et l’excitation
de leurs abonnés. Puis, ils ont multiplié les attaques ad hominem, publiant des
contenus tellement outranciers et diffamatoires qu’un magazine people comme Gala
lui-même n’oserait pas les relayer. Tout était bon pour alimenter leur machine à buzz,
quitte à piétiner la réalité et la dignité humaine.


5/Comment ces attaques se manifestaient-elles au quotidien ? Était-ceprincipalement en ligne, dans votre environnement professionnel, personnel ?

A & Y : De partout. Leur objectif était simple : faire un maximum de bruit, occuper
l’espace, nous noyer sous les attaques. Et ils y sont parvenus.
Nos activités professionnelles en ont pâti, notre famille a été touchée, notre couple
fragilisé.
Partout où nous allions, sur les réseaux sociaux, dans notre boîte mail, même
parfois dans la rue, nous sentions le poids de cette haine orchestrée. Les messages
injurieux se multipliaient, les rumeurs prenaient de l’ampleur, et il était presque
impossible d’y échapper.
C’était une vague incessante, soigneusement entretenue par ceux qui se délectaient
du chaos qu’ils avaient créé. Un engrenage bien rodé où chaque nouvelle attaque en
alimentait une autre, où notre souffrance devenait un spectacle dont ils se
réjouissaient.


6/ On parle souvent des effets psychologiques du harcèlement, mais peu de personnes peuvent réellement comprendre à quel point cela peut être destructeur. Quelles ont été les répercussions pour vous sur le plan émotionnel et mental ?

A : Cela m’a détruit, physiquement et moralement. J’ai subi une perte de poids
importante, un épuisement constant, des nuits de plus en plus courtes et agitées.
Une
hypervigilance s’est installée, impossible à contrôler : chaque notification, chaque
regard dans la rue, chaque bruit suspect devenait une source d’angoisse. À force, on
perd l’envie d’avancer, on ne voit plus d’issue. On survit plus qu’on ne vit.


Y : Le harcèlement en ligne a eu un impact émotionnel et mental considérable sur moi.
La fatigue s’est accumulée face à la persistance des attaques, mais paradoxalement,
une détermination à me défendre est née. Chaque jour, c’est une charge mentale
oppressante, une bataille invisible que peu de gens comprennent vraiment. On
apprend à encaisser
, mais cela laisse des cicatrices profondes.


7/ Avez-vous ressenti une évolution dans votre état d’esprit au fil du temps ? Perte de
confiance, hypervigilance, isolement ?

A : Oui, j’ai eu l’impression de m’enfoncer chaque jour un peu plus dans une sorte de
psychose. Les attaques incessantes, les insultes, les mensonges… Tout cela m’a
progressivement coupé de la réalité. Je vivais dans une tension constante, cherchant à
échapper à cette spirale, mais je n’en voyais plus le bout. Chaque jour semblait être
une descente un peu plus profonde, et l’issue me paraissait de plus en plus lointaine.


Y : Oui, mon état d’esprit a évolué au fil du temps. Au début, j’étais surtout en colère,
une colère sourde qui bouillonnait à l’intérieur, mais petit à petit, une hypervigilance
s’est installée. J’ai commencé à me méfier de tout le monde, à scruter chaque
interaction, chaque message, à chercher des intentions cachées. Ce besoin constant
de protection m’a poussé à limiter mes contacts sociaux, à m’isoler. On devient une
version de soi-même qui ne fait plus confiance à rien ni à personne, et cette solitude
s’installe insidieusement,
même quand on est entouré.


8/ Y a-t-il eu un moment où vous vous êtes dit : “Je ne peux plus supporter ça” ?
Comment avez-vous réagi à ce stade ?

A : Ce sentiment de ne plus pouvoir supporter cette violence vient surtout de l’impunité
des harceleurs, qui continuent leurs attaques, inlassablement. On veut que ça s’arrête,
mais rien n’y fait. Il y a eu un moment où je me suis dit que le seul moyen pour que ces
attaques cessent serait de mettre fin à mes jours. J’ai tenté le pire, espérant que cela
mettrait un terme à cette souffrance infinie.


Y : Oui, bien sûr, cette pensée m’a traversé l’esprit. Par moments, j’ai eu l’envie de tout
lâcher, de disparaître, de partir loin et de tout laisser derrière moi. C’était comme si le
poids devenait trop lourd à porter. Mais je ne l’ai pas fait. Au lieu de cela, j’ai puisé dans
ma détermination pour tenir bon,
pour rassembler des preuves, pour commencer à
collecter des éléments en vue de la justice. Je me suis dit que si je devais survivre à tout
ça, c’était pour me battre, pour ne pas laisser ces attaques rester impunies.


9/ Comment avez-vous vécu les premières attaques ? Pensiez-vous que cela allait
s’arrêter rapidement ? Est-ce que l’aspect monomaniaque de vos harceleurs a été une
prise de conscience immédiate, ou cela vous a-t-il surpris dans la continuité ?

A : Dans mon cas, le harcèlement a largement dépassé le cadre des réseaux sociaux
pour s’immiscer dans ma vie privée et professionnelle. À aucun moment je n’aurais
imaginé que ces personnes iraient aussi loin dans leur quête de destruction. J’ai
rapidement compris qu’ils ne s’arrêteraient pas tant qu’ils n’auraient pas ce qu’ils
cherchaient : l’annihilation totale d’une vie. Tout cela parce que j’ai eu l’outrecuidance
de dénoncer leurs méthodes de manipulation de l’opinion dans le passé
. Leur objectif
n’était pas seulement de me nuire, mais de me réduire à néant.


Y : C’est effectivement comme si nous devions affronter plusieurs formes de
harcèlement en même temps. Entre les attaques directes de la sphère
conspirationniste et celles venant d’autres groupes, comme la sphère des « expertes
féministes »
, qui ont exploité la situation à leur propre avantage. Notre harcèlement a
été instrumentalisé par ces différentes communautés, ce qui a rendu le processus
encore plus éprouvant. Cela a ajouté une couche de complexité à la souffrance déjà
intense que nous vivions. Au départ, c’était déjà insupportable, mais ces manipulations
et récupérations ont transformé la situation en un véritable calvaire.


10/ Ressentez-vous encore aujourd’hui des séquelles de cette période ? (Stress posttraumatique, troubles du sommeil, anxiété sociale…)

A : Beaucoup moins. Il m’a fallu de nombreuses séances de psychothérapie et
plusieurs prescriptions d’antidépresseurs pour retrouver ne serait-ce qu’un semblant
de vie normale. Chaque jour était un combat pour remettre un pied devant l’autre, et la
reconstruction a été lente, bien plus lente que ce que j’avais imaginé. La souffrance ne
se guérissait pas simplement avec des mots, mais avec un long processus de guérison.


Y : Oui, j’ai été diagnostiquée avec un stress post-traumatique intense que je traîne
depuis maintenant deux ans et demi. Le harcèlement continue encore aujourd’hui, et il
n’y a pas de fin en vue. Cela a engendré des troubles du sommeil, avec parfois des nuits
blanches où l’angoisse m’empêche de fermer l’œil. C’est comme vivre dans un état de
tension constante,
où la moindre notification, le moindre message ou appel me renvoie
instantanément dans cette spirale de stress. Les répercussions sont profondes et
durables


11/ Avez-vous développé des mécanismes de défense particuliers face à cette situation ?

A : Oui, absolument. J’ai pris soin de ne plus communiquer aucune donnée
personnelle. Notre adresse postale est désormais un secret bien gardé, connue de
personne. On a appris à se protéger, à être vigilants, et à anticiper les risques. Cette
expérience nous a forcés à devenir plus prudents, à couper court à toute tentative
d’intrusion dans notre vie privée. C’est une manière de reprendre un peu de contrôle,
même si ce contrôle reste fragile.


Y : Nous avons également mis en place des mesures pratiques pour nous protéger,
comme l’installation de caméras de surveillance chez nous. Nous avons pris ces
précautions en pensant à notre sécurité, car la situation peut vite dégénérer. La
gendarmerie est déjà informée de l’intimidation que nous avons reçue à domicile. En
cas de besoin, je n’hésite pas à les contacter directement. Même si ça peut sembler
extrême, c’est devenu une nécessité pour préserver notre sécurité et éviter d’être à la
merci de nouvelles menaces.


12/ Vous arrive-t-il de revivre certains épisodes sous forme de flashbacks ou d’angoisses soudaines ?

A : Oui, régulièrement, mais elles sont vécues avec moins d’intensité qu’auparavant.
Ces angoisses se font de plus en plus rares, et elles ne durent que quelques minutes
quand elles se manifestent. Je pense qu’elles resteront présentes tant que la justice
n’aura pas fait son travail et puni les auteurs de ces attaques. C’est comme une
blessure qui ne guérit pas complètement
tant que l’agresseur n’est pas tenu
responsable.


Y : Oui, ça m’arrive parfois. Par exemple, avant, quand quelqu’un prononçait mon
prénom de façon inattendue, cela me faisait sursauter. Maintenant, cela me touche
moins, mais c’était fréquent, voire récurrent, à un moment donné. Il y a cette sorte de
vigilance constante qui reste ancrée, même si, avec le temps, j’ai appris à mieux la
gérer. Mais ces réflexes de peur restent là, comme des échos du traumatisme.


13/ Avez-vous tenté d’en parler autour de vous dès le début ? Si oui, comment votre entourage a-t-il réagi ?

A : Compte tenu de l’ampleur de ce harcèlement, notre entourage proche, comme la
famille, a mis énormément de temps à saisir la réalité de ce que nous traversions.
Au
début, ils ont minimisé la situation, rejetant la faute sur les réseaux sociaux, pensant
que c’était un simple phénomène virtuel sans grande conséquence. Ce n’est que
lorsque les attaques ont franchi le seuil des plateformes en ligne pour envahir notre vie
privée et professionnelle qu’ils ont réellement compris la gravité des événements.
Quant à nos amis, eux, ils ont toujours été présents, fidèles à nos côtés. Dès le début,
ils ont observé, écouté, et nous ont soutenus de manière indéfectible, sans poser de
questions, sans jugement. Leur soutien a été un pilier fondamental pour tenir bon dans
cette épreuve.


Y : Au début, même moi, je ne comprenais pas pleinement ce qui se passait. C’était
comme un tourbillon de confusion : comment expliquer à mon entourage une situation
si floue, si insidieuse, que je n’arrivais même pas à saisir moi-même ? Les attaques
étaient tellement déstabilisantes que je me sentais perdue. Petit à petit, pour éviter
d’inquiéter davantage mes proches, je me suis isolée. J’avais l’impression que si je
gardais tout pour moi
, j’éviterais d’aggraver les choses. Mais en réalité, cet isolement
n’a fait qu’alimenter la souffrance, créant un fossé de solitude et de confusion encore
plus profond
.


14/ Avez-vous ressenti une forme d’isolement, volontaire (pour vous protéger) ou
imposé par le regard des autres ?

A : J’ai ressenti le besoin urgent de me couper des réseaux sociaux, un choix difficile
mais nécessaire pour préserver ma santé mentale. C’était une forme d’isolement,
certes, mais c’était la seule manière de reprendre un peu de contrôle sur ma vie.
L’overdose d’informations et de haine sur les plateformes me consumait petit à petit.
Se retirer de cet environnement toxique m’a permis de respirer un peu, de me recentrer
et de m’éloigner de l’agitation permanente.


Y : Vu la situation, je préférais me retirer complètement plutôt que de passer mon
temps à expliquer, encore et encore, un harcèlement sans logique ni fin. C’était
épuisant, et à un moment donné, j’en ai eu assez de tenter de faire comprendre
l’incompréhensible. Le harcèlement était tellement absurde et dénué de fondement
qu’essayer de le justifier ou de l’expliquer à mon entourage devenait presque un
fardeau supplémentaire. Me retirer était un choix pour me protéger et m’éviter
d’enfoncer encore plus mes proches dans cette spirale.


15/ Y a-t-il eu un moment où vous avez perdu confiance en votre propre perception des
choses, vous demandant si vous exagériez la situation ?

A : J’ai dû changer plusieurs fois de travail à cause de ce harcèlement. Des individus
appelaient mes employeurs, mes collègues avaient entendu les rumeurs à mon sujet
circuler sur les réseaux sociaux. Il est devenu presque impossible de continuer à
travailler dans ces conditions, où chaque regard, chaque conversation semblait teintée
de jugement ou de méfiance. Cela a profondément affecté mon environnement
professionnel
, rendant l’atmosphère insupportable.


Y : Oui, à un moment donné, j’ai été complètement paralysée par le harcèlement et
incapable de travailler. Depuis deux ans et demi, ma vie professionnelle en a pris un
énorme coup. Aujourd’hui encore, je peine à retrouver une stabilité. Travailler
normalement me semble difficile, comme si chaque tâche était imprégnée des
séquelles laissées par cette expérience. C’est un fardeau constant, et même si j’essaye
de reprendre le dessus, le processus est encore long et semé d’embûches.


16/ Certains témoignages parlent d’un “bannissement social”; où la victime devient
suspecte aux yeux des autres, même de ceux qui ne sont pas impliqués. Avez-vous
ressenti cela ?

A : J’ai rapidement été perçu comme suspect par des personnes incapables d’exercer
un minimum de discernement ou de pensée critique. Même si j’ai bien ressenti une
forme de « bannissement social » de la part de certains, cela n’a pas eu un impact
majeur sur moi, car il provenait en grande partie d’une communauté obnubilée par les
théories complotistes
. Pour ces individus, la vérité est souvent déformée par leurs
croyances, et leur rejet ne fait que confirmer leur propre vision erronée du monde. Cela
m’a permis de prendre un certain recul, sachant que ce rejet venait d’un milieu qui ne
cherche qu’à diviser et manipuler.


Y : Oui, ce « bannissement social » a été une réalité pour moi aussi, mais d’une manière
encore plus perverse. Les harceleurs ont réussi à inverser les rôles, en se faisant
passer pour les victimes et en tentant de me faire passer pour une harceleuse. Ce
retournement de situation a aggravé la pression psychologique, rendant l’impact
émotionnel encore plus intense.


17/ Le harcèlement a-t-il occupé une place envahissante dans votre esprit au point
d’interférer avec votre quotidien ?

A : Oui, il n’y a pas un seul moment dans la journée où l’on parvient à échapper à ces
pensées. On se surprend à constamment anticiper la prochaine attaque, la prochaine
infamie à notre sujet. Cela occupe tellement l’esprit qu’il devient difficile de se
concentrer sur des choses plus importantes, plus essentielles.
Le harcèlement devient
une sorte de bruit de fond incessant, qui mine notre capacité à vivre pleinement et à se
concentrer sur le présent. Chaque action, chaque interaction, peut se transformer en
une source d’angoisse
, tant on sait que les attaques peuvent surgir à tout moment.


Y : Oui, ce harcèlement est véritablement envahissant. Après des périodes où il semble
y avoir une accalmie, on tente de reprendre des activités normales, de retrouver une
forme de tranquillité. Mais c’est comme un phénomène cyclique, il revient toujours, par
vagues, sans prévenir. Ces périodes de calme sont toujours suivies d’une nouvelle
poussée de violences, ce qui perturbe continuellement notre quotidien et notre
capacité à nous concentrer sur ce qui compte vraiment. C’est un stress constant, qui
ne disparaît jamais totalement et qui empêche d’avoir une vie réellement sereine.


18/ Avez-vous ressenti une fatigue émotionnelle intense, voire une sensation de
lassitude permanente ?

A : Oui, c’est vrai. Cela occupe toutes nos pensées, et la fatigue, à la fois physique et
morale, s’installe rapidement, pour persister au fil du temps. Aujourd’hui, rien que d’y
repenser me fatigue
. C’est comme si cette souffrance était inscrite dans chaque fibre
de mon être, me rappelant constamment qu’elle n’est pas encore totalement derrière
moi.


Y : Ça fait maintenant deux ans et demi que cette histoire de harcèlement tourne en
boucle, sans fin. Honnêtement, au bout d’un moment, ça devient vraiment écrasant.
Vivre la même situation encore et encore, avec toujours les mêmes personnes qui
reviennent à chaque tournant, c’est épuisant, mentalement et émotionnellement.
C’est comme être coincé dans un cercle vicieux, où chaque jour ressemble au
précédent, et ça commence à nous ronger.


19/ Avez-vous mis en place des stratégies spécifiques pour préserver votre santé
mentale jour après jour ?

A : J’ai drastiquement réduit ma consommation des réseaux sociaux, et je commence à
envisager sérieusement de les quitter définitivement.
Tant que des comportements
toxiques continueront d’être tolérés et impunis, il n’y a plus vraiment de raison de
rester sur ces plateformes. Je me rends compte que j’ai plus à perdre qu’à gagner en
restant sur X ou Bluesky, par exemple. Ces espaces ne m’apportent plus grand-chose,
sinon de la frustration et de l’angoisse.


Y : Oui, pour préserver ma santé mentale, je me suis tournée vers le yoga. C’est devenu
une vraie bouffée d’air frais pour moi. En plus, je suis suivie par des professionnels de
santé qui m’aident à gérer cette situation au quotidien.
Ils m’ont appris à trouver des
stratégies pour tenir bon, à poser des limites et à protéger mon équilibre. C’est un
travail de chaque instant, mais il est essentiel pour ne pas sombrer.


20/ Comment avez-vous réussi à surmonter cette épreuve ? Y a-t-il eu un moment clé
dans votre reconstruction ?

A : La patience et les faits ont été d’une aide précieuse. J’ai dû attendre, souvent en
faisant le dos rond, en espérant que des décisions judiciaires favorables finiraient par
arriver. Au fond de moi, je sais que la lumière au bout du tunnel finira par se faire voir,
même si pour d’autres, ce n’est que le début d’un long chemin.


Y : J’ai surmonté cette épreuve en m’accrochant à ma force intérieure. J’ai pris les
choses un jour à la fois, déterminée à ne pas laisser cette situation me définir. Grâce à
ma résilience, j’ai su garder le cap et je continue de progresser, même si parfois
l’avancée est lente. Mais je sais que chaque petit pas me rapproche un peu plus de la
paix.


21/ Quelles ressources ou quels soutiens vous ont aidés à tenir bon ?

A : Opale, Boubou et Rata, nos animaux, ainsi que nos amis, notre famille et nos
avocats, ont été déterminants pour m’aider à surmonter cette épreuve.


Y : Ce qui m’a permis de tenir bon, ce sont nos animaux, nos amis (vous vous
reconnaîtrez, d’ailleurs, je vous embrasse), la création et le Yoga. Tout cela m’a permis
de garder la tête hors de l’eau au quotidien.


22/ Aujourd’hui, avec le recul, que pensez-vous de cette expérience ? A-t- elle changé votre manière de voir les choses et d’interagir avec les autres ?

A : Je ne souhaite cela à personne, pas même à mon pire ennemi. Cette expérience m’a
appris qu’il est crucial de savoir se protéger en amont, de prendre du recul et d’adopter
une relation plus saine aux réseaux sociaux. Il est essentiel de changer sa façon de
consommer l’information
et de ne pas s’exposer inutilement à des risques.


Y : Cette expérience m’a rendue bien plus sensible au harcèlement et à ses effets
dévastateurs. Elle a profondément modifié ma manière de voir les choses, de réagir et
d’interagir avec les autres. Aujourd’hui, je comprends cette réalité sous un angle bien
plus aigu et conscient.


23/ Quel message aimeriez-vous transmettre aux personnes qui vivent une situation
similaire à la vôtre ?

A : Ne perdez jamais espoir en des jours meilleurs, même lorsque tout semble sombre.
Si quelqu’un se retrouve dans une telle situation, mon conseil serait de prendre du
recul, de couper les liens avec les réseaux sociaux et de se recentrer sur les choses
essentielles de la vie réelle. Il est essentiel de ne pas se laisser engloutir par
l’isolement.
Cherchez du soutien autour de vous, que ce soit auprès de proches,
d’amis ou de professionnels. Et surtout, ne restez pas enfermé chez vous, car l’action,
même minime, peut parfois apporter un soulagement immense. Il est primordial de se
rappeler que, même après les pires tempêtes, le soleil finit toujours par revenir.


Y : Si vous traversez une épreuve similaire, la première chose à faire est de couper tout
lien avec ces plateformes qui alimentent votre souffrance. Prenez du temps pour vous,
pour vous protéger et vous concentrer sur votre bien-être. Archivez toutes les preuves
de ce harcèlement et n’hésitez pas à solliciter de l’aide, que ce soit un avocat ou un
professionnel. Ne sous-estimez jamais l’importance du soutien psychologique. Il est
crucial de tenir bon, de ne pas laisser cette expérience détruire votre esprit ni votre
confiance en vous. Vous méritez de vous reconstruire, de retrouver votre sérénité et de
reprendre contrôle de votre vie. Vous n’êtes pas seul(e) dans cette bataille.


Le harcèlement 1 peut entraîner des répercussions psychologiques graves 2 et durables, telles que l’anxiété, la dépression, des troubles du sommeil, une perte d’estime de soi et un isolement social. Les victimes peuvent également rencontrer des difficultés de concentration, ressentir une fatigue chronique et, dans les cas extrêmes, développer un syndrome de stress post-traumatique (SSPT). Ce mal-être peut également conduire à des comportements autodestructeurs, comme une consommation excessive d’alcool ou des troubles alimentaires. 3

Merci à Antoine et Yogina d’avoir accepté de répondre à nos questions.

Vous pouvez d’ailleurs les aider financièrement concernant leurs frais de justice en participant à cette cagnotte .

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La fiche Pensée magique pour trouver de l’aide concernant un harcèlement.

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