Dérives Tantriques #metootantra

En 2008, j’ai entrepris une formation en massages bien-être dans le but de pouvoir exercer ce métier à l’échelle mondiale, conciliant ainsi ma passion pour les voyages et le contact humain.

La formation de neuf mois incluait des techniques telles que le massage du dos, le massage californien, le massage ayurvédique, le soin énergétique chinois, et une initiation à l’aromathérapie. Déjà encline à une pensée magique, j’avais peu d’affinité avec les sciences, considérant que bien que la science ne sache pas tout, les ressentis ne mentent pas.

J’étais donc davantage en accord avec l’idée d’une énergie traversant notre corps, sans pour autant en explorer pleinement la signification. 

On m’a appris à « ressentir » les énergies, à les visualiser, et j’ai acquis des connaissances de base en ayurveda, phytothérapie, aromathérapie, ainsi que sur les méridiens et les points d’acupuncture que je pouvais également « sentir ». 

Un vocabulaire spécifique spirituel a émergé, comprenant des termes tels que « holistique » l’ancrage, le recentrage, l’aura et l’alignement. Cela a transformé ma pratique du massage bien être en une approche thérapeutique.

En quittant la formation, je croyais fermement en cette capacité de guérir grâce à mes mains, mais conservant heureusement une certaine humilité, je n’avais pas pleinement ces prétentions face à ma clientèle. 

Pendant plusieurs années, ma pratique de massage s’est limitée à mes proches. 

À l’époque, j’étais ouverte à toutes les théories « new age », ce qui a facilité une escalade de croyances de plus en plus fortes. Lorsque je suis tombée enceinte, les dogmes de la parentalité bienveillante, accompagnés de la culpabilité liée à la difficulté d’atteindre les objectifs, ont pris le dessus.

Le développement personnel et la loi de l’attraction ont également influencé ma perspective, me poussant à remettre en question les vaccins et les médicaments.

Sensible aux problèmes écologiques, je souhaitais me former à la permaculture, mais j’ai été malgré moi initiée à une branche new age : « la permaculture humaine« 


J’ai consacré beaucoup de temps à visionner des vidéos sur l’autonomie et le survivalisme, et j’ai même emmené mes enfants découvrir les éco-villages du sud de la France.
Bien que quelqu’un doté d’esprit critique puisse faire le tri, ce n’était malheureusement plus mon cas, étant trop engagée dans l’escalade des croyances. 

Il y a cinq ans, j’ai ouvert mon entreprise de massage. Souhaitant explorer le massage tantrique, prenant en compte l’ensemble de la personne, y compris la dimension sexuelle, j’ai expérimenté deux séances. 

Ces massages m’ont procuré des sensations inexplicables, persistantes, tant au niveau physique que psychique. En quête d’explications sur internet, j’ai attribué ces expériences à une « montée de Kundalini », Fascinée par les sensations créées par le praticien, j’ai perçu en lui un pouvoir que je désirais comprendre davantage. 

J’ai suivi une formation en tête-à-tête avec le praticien. Il m’a exposé sa vision du tantra, privilégiant l’intention et le suivi des ressentis. La formation, axée sur des exercices pratiqués nus, a rapidement évolué vers des rapports sexuels, dès le deuxième massage (tantra rouge), justifiés par la philosophie selon laquelle « le corps guide la progression ». 

Une formation collective m’a ensuite été proposée, révélant que d’autres femmes partageaient des relations similaires avec le praticien.

Bien que je me sois estimée consentante à l’époque, j’ai réalisé bien plus tard les techniques de manipulation employées par le praticien, qui se prétendait être la réincarnation de plusieurs personnalités importantes. 

Il prétendait détenir un savoir exclusif qu’il devait me transmettre, affirmant posséder la science infuse dans son cœur. La remise en question était impossible, arguant qu’il n’était pas nécessaire de lire des livres lorsque le cœur est suffisamment ouvert, car le savoir vient naturellement. 

Il créait l’impression que c’était un privilège d’avoir des relations avec lui, se présentant comme un guide capable de lire en moi. Pour discréditer les personnes qui ne partageaient pas son point de vue, il évoquait leur possession par des démons , nous amenant ainsi à nous isoler de nos proches. 

Bien qu’il prônait l’amour libre, il utilisait ces mêmes notions pour entraver d’autres relations en dehors de la sienne. Le coût élevé de la formation et des massages n’offrait finalement que son discours en retour. 

J’ai conclu sans hésiter à une dérive sectaire en raison de l’extravagance de son discours et de ses incohérences. La prise de conscience de la manipulation conduisant à une emprise mentale est venue plus tard, un aspect difficile à admettre.

C’était douloureux de reconnaître que j’avais pu être manipulée, ce qui m’a bouleversée. Toutefois, cette expérience m’a permis de mieux comprendre mes croyances et leurs fondements. 

Les discours fortement conspirationnistes et ésotériques de cet homme avaient suscité mon intérêt, poussant ma recherche de contradictions sur internet. Cette démarche s’est avérée difficile, l’algorithme tendant à confirmer mes croyances. 

Après avoir découvert une vidéo démontant les théories quantiques auxquelles j’avais été exposée, j’ai persisté dans mes recherches malgré mes premières résistances dues à ma dissonance cognitive. J’ai exploré différentes chaînes sceptiques et de vulgarisation scientifique, menant à la découverte de l’esprit critique. 

Cette prise de conscience m’a incitée à rouvrir des livres de sciences.

Malgré les incitations, je n’ai pas participé au dernier stage du gourou. En lieu et place, j’ai consacré chaque jour des heures à me former à l’esprit critique, à identifier les biais cognitifs qui expliquent mes croyances passées, et à comprendre comment chacun peut être susceptible d’être manipulé.

J’ai scruté mes propres croyances, cherché à me protéger contre de futures manipulations, et appris à suspendre mon jugement face à des sujets peu connus. 

La nécessité d’appliquer les outils disponibles pour se protéger contre des croyances et les pseudo-sciences est aujourd’hui cruciale. 

Il est essentiel d’offrir à tous la capacité d’identifier une croyance, afin de faire un choix éclairé, plutôt que d’accepter passivement ce qui est présenté comme une vérité universelle. 

Ce témoignage nous est confié par Angélique, qui souhaite apporter sa pierre à l’édifice de #metootantra. En parler permettra de libérer la parole dans ce milieu, tout en n’oubliant pas que le New Age est le premier vecteur de dérives sectaires.

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